La saisie des temps est une pratique profondément ancrée dans les cabinets d’expertise comptable.
Pourtant, avec l’évolution des méthodes de travail et des attentes des collaborateurs, la question de son efficacité se pose.
Faut-il vraiment s’en détourner ou simplement la réinventer pour répondre aux besoins modernes ?
Evaluons point par point les apports de la saisie des temps et s’il existe de meilleures solutions alternatives.
La saisie des temps pour facturer
La facturation au temps passé est très loin d’être la norme dans les cabinets d’expertise comptable.
Au lieu de cela, les missions sont plus souvent encadrées par un forfait d’honoraires indiqué dans la lettre de mission.
Certaines missions, notamment dans les métiers du social et du juridique, sont mêmes facturées « à l’acte », avec des barèmes.
Exemple : 25 € pour un bulletin de salaire, 400 € pour un PV d’assemblée générale.
Il parait vraisemblable de barémiser les missions d’expertise, par exemple sur le nombre d’écritures ou le nombre de pièces, même si établir de telles références demande du temps et du recul et que nous n’en sommes qu’au début de cette transition.
Néanmoins, certaines missions dites « exceptionnelles », qui ne sont pas encadrées par cette convention d’honoraires, sont souvent facturées à posteriori en se référant au temps passé à la réalisation.
S’il est nécessaire de s’émanciper de cette modalité de définition du prix, pour aller vers un modèle de facturation en fonction de la valeur apportée par la prestation, l’évaluation des coûts d’une mission reste une référence appréciable au moment de fixer un prix.
La saisie pour reconnaitre du CA à l’avancement
Dans les cabinets comptables, on mesure l’avancement du chiffre d’affaires par l’avancement des coûts. Il s’agit du fameux exercice de détermination des en cours de production.
Il existe ici sans doute des alternatives crédibles, en exploitant l’autre méthodologie admise comptablement pour évaluer un avancement, à savoir la progression dans des jalons techniques ou temporels.
Par exemple, pour une mission de déclaration des TVA, il est tout à fait cohérent d’allouer 1/12 des honoraires par mois puisque le rythme de progression de la mission est calqué sur le calendrier mensuel.
Il pourrait donc être envisageable de documenter des jalons techniques pour toutes les missions « traditionnelles » d’un cabinet d’expertise comptable.
C’est sans doute sur ce point que l’apport de la saisie des temps est le moins évident, d’autant plus que cette méthode d’avancement par les coûts n’est pas totalement satisfaisante, dans la mesure où elle repose sur la capacité des cabinets à estimer correctement les coûts à terminaison, alors même que l’on sait que beaucoup de missions occasionnent des boni ou des mali très significatifs.
Ainsi, l’avancement d’une mission en mali est toujours surestimé, et réciproquement l’avancement d’une mission en mali est toujours sous-estimé.
La saisie pour évaluer les marges
C’est sur cette fonctionnalité de mesure des marges qu’il n’existe pas à notre sens d’alternative.
Un cabinet d’expertise comptable, par sa structure de coûts, achète fondamentalement la capacités de travail de ses salariés, et l’une des composantes essentielles d’un contrat de travail est la durée du temps de travail.
Dit autrement, le principal facteur de production des cabinets reste les heures de production de ses collaborateurs.
Et donc si on prend comme hypothèse qu’il est essentiel d’évaluer les marges contributives dans toute entreprise (ce qui pourra faire l’objet d’un autre article ultérieurement), il est nécessaire de répartir le coût de production sur les missions ou les clients.
Une alternative pourrait être de se priver de l’échelon d’analyse « par client / par mission » pour ne conserver que l’échelon supérieur, et d’évaluer la marge globale d’un portefeuille qui serait par exemple traité par un seul collaborateur.
De cette manière, on apprécierait la marge globale réalisée par ce collaborateur par différence entre le volume d’honoraires du portefeuille et le coût du salarié.
Mais cela constitue à notre avis un trop grand renoncement, puisqu’en tout état de cause, il n’existerait pas de moyen d’expliquer de manière fiable et objective un défaut de rentabilité ou au contraire une très forte marge à cet échelon de portefeuille.
La saisie des temps pour mesurer et à animer les performances
La productivité peut se définir comme un rapport entre une quantité de travail et une durée.
Soit dans un sens : combien d’unité de temps est nécessaire à l’accomplissement d’un volume donné ?
Soit dans un autre : combien de volume peut on traiter dans une unité de temps ?
Le temps joue ici un rôle essentiel.
Il existe d’ailleurs dans de nombreux cabinets des « primes de production », qui répondent d’ailleurs souvent à la 2ème approche de la productivité : pour le salaire (et donc le temps qu’achète le cabinet), combien de chiffre d’affaires et donc combien de marge.
La saisie des temps sert ici à l’objectivation des performances.
Conclusion : un outil indispensable à réinventer
La saisie des temps reste un outil indispensable pour les cabinets d’expertise comptable.
Elle permet non seulement d’évaluer les coûts, d’identifier les marges et de piloter la performance, mais aussi de garantir la rentabilité des missions.
Elle a également le très grand mérite de la simplicité.
Cependant, à l’ère de l’automatisation et des nouvelles attentes clients, il est nécessaire de rendre les pratiques de saisie plus intelligentes et adaptées aux besoins modernes.
Parmi les pistes d’amélioration :
- Coupler la saisie des temps avec des jalons techniques ou temporels.
- Intégrer des indicateurs qualitatifs pour une vision plus complète.
- Automatiser les saisies répétitives pour réduire les contraintes administratives.
Plutôt que d’abandonner cet outil, les cabinets gagneraient à en exploiter tout le potentiel, en le modernisant pour qu’il devienne un véritable levier de performance et de rentabilité.