Dans les cabinets d’expertise comptable et les ESN (Entreprises de Services du Numérique), la rentabilité des missions et projets repose sur une compréhension fine des coûts.
Parmi eux, les coûts fixes, bien qu’indirects, jouent un rôle crucial dans l’analyse économique.
Cependant, les intégrer nécessite une méthodologie rigoureuse basée sur deux étapes fondamentales : établir le périmètre de répartition et choisir une clé de répartition adaptée.
Pourquoi inclure les coûts fixes dans la marge d’un projet ?
La marge d’un projet ou d’une mission est souvent perçue comme un simple calcul des revenus générés moins les coûts directs engagés (temps de travail, fournitures, sous-traitance, etc.).
Cependant, cette vision restreinte peut fausser l’analyse.
En effet, les coûts fixes, bien que non directement liés à une mission particulière, pèsent significativement sur la rentabilité globale de la structure.
Prenons un exemple : une ESN réalise une mission de développement logiciel pour un client.
Si elle ne considère que les coûts directs (salaires des développeurs affectés, licences logicielles spécifiques, etc.), elle pourrait estimer une marge élevée.
Mais qu’en est-il des frais généraux comme le loyer des bureaux, les salaires du personnel administratif, ou encore les dépenses marketing ?
Ces éléments, bien que non directement imputables à la mission, sont essentiels au bon fonctionnement de l’entreprise et doivent être pris en compte dans l’analyse de rentabilité.
Ne pas inclure ces coûts fixes dans le calcul revient à ignorer une partie de la réalité économique.
Cela peut conduire à des prises de décision erronées, comme la sous-évaluation des prix de vente ou la sélection de projets peu rentables.
Qu’est-ce qu’un coût fixe et pourquoi nécessite-t-il des clés de répartition ?
Définition des coûts fixes
Un coût fixe est une dépense qui ne varie pas directement en fonction de l’activité ou du volume de production.
Par exemple, le loyer des bureaux reste constant, que l’entreprise réalise 10 ou 100 projets par an. Les coûts fixes incluent également :
- Les salaires du personnel administratif ou support (RH, comptabilité, etc.),
- Les abonnements et licences non spécifiques à un projet,
- Les dépenses liées à l’infrastructure (bureaux, matériel informatique partagé, etc.).
Contrairement aux coûts variables, directement liés à la mission (comme les heures facturées des collaborateurs), les coûts fixes sont plus complexes à attribuer.
Ils bénéficient à l’ensemble des activités de l’entreprise et ne peuvent donc pas être affectés directement à un projet.
Clés de répartition : définition et rôle
Une clé de répartition est une méthode utilisée pour ventiler les coûts fixes sur les différentes missions, projets, ou entités de l’entreprise. Elle consiste à utiliser un critère objectif pour allouer ces coûts de manière équitable et cohérente.
Exemple d'une clé de répartition simple : répartir les frais de loyer en fonction du nombre de collaborateurs affectés à chaque projet. Si une mission mobilise 30% de l’effectif, elle se verra attribuer 30% du loyer.
Les clés de répartition sont indispensables car elles permettent :
- De ventiler l’ensemble des charges de l’entreprise sur les projets,
- D’évaluer la rentabilité réelle des projets en intégrant les coûts indirects,
- D’assurer une meilleure transparence financière, en rendant visible l’impact des frais généraux,
- De favoriser des décisions stratégiques plus éclairées, en ajustant les tarifs ou en optimisant l’allocation des ressources.
Comment mettre en oeuvre une répartition des coûts fixes ?
Étape 1 : Établir le périmètre de répartition
La première étape consiste à déterminer le périmètre sur lequel ventiler les coûts fixes. Cette définition dépend de la structure de l’entreprise et de ses objectifs analytiques.
Trois approches principales peuvent être envisagées :
1. Répartition à l’échelle de l’ensemble de la structure
Dans ce cas, les coûts fixes impactent 100% des projets de l’entreprise.
Exemple :
C’est le cas généralement des services centraux, comme par exemple un service ADV-facturation. En effet, tous les projets donnent lieu à une facturation. Il n’existe pas de raison d’exclure tel ou tel périmètre de la répartition de ce coût.
2. Répartition au niveau d’un département ou d’un métier
Certains coûts fixes peuvent être spécifiques à un service ou à une activité (fiscalité, audit, social). Dans ce cas, le périmètre de répartition se limite aux projets ou missions directement concernés.
Exemple :
Il peut exister des logiciels spécifiques à un métier, comme par exemple un logiciel destiné aux missions d’audit. Économiquement, il serait injuste d’impacter les missions de comptabilité en faisant peser sur elles une quote-part de ce coût logiciel.
3. Répartition par site géographique
Pour les structures multi-sites, il est judicieux d’attribuer les coûts fixes localement, puis de les répartir sur les projets ou missions du site concerné.
Exemple :
Une ESN possédant deux antennes veillera à n’impacter les missions portées par le bureau 1 que du coût du loyer du site 1, et de la même manière, de n’impacter les missions du site 2 que du loyer du site 2.
Étape 2 : Déterminer la clé de répartition
Une fois le périmètre défini, il est nécessaire de choisir la clé de répartition en tant que telle, c’est-à-dire la méthode calculatoire permettant de ventiler les coûts fixes.
Ce choix repose sur le mode de fonctionnement de l’entreprise et les données disponibles.
Deux grandes approches sont possibles.
1. Répartition uniforme
Dans cette méthode, les coûts fixes sont ventilés de manière égale entre tous les projets ou missions du périmètre.
Cette clé simple est pertinente lorsque les projets ont des caractéristiques homogènes.
Exemple :
Un cabinet comptable attribue à chaque mission une part égale des coûts du service facturation. En effet, on peut supposer que cela ne prend pas beaucoup plus de temps de facturer une petite mission qu’une mission beaucoup plus conséquente.
2. Répartition proportionnée à une base d’absorption
Cette méthode repose sur l’utilisation d’un indicateur numérique (ou « base d’absorption ») pour répartir les coûts fixes proportionnellement.
Les bases les plus courantes incluent :
- Les ETP (Équivalents Temps Plein) : chaque projet se voit attribuer une part des coûts fixes selon le nombre de collaborateurs mobilisés.
- Les heures travaillées : une mission mobilisant 30% du temps total des collaborateurs recevra 30% des coûts fixes.
- Le chiffre d’affaires : les projets générant plus de revenus absorbent une plus grande part des coûts fixes.
- Le volume produit : utile dans des activités avec une production mesurable (ex. : nombre de dossiers traités).
Conclusion : un double processus pour une analyse fine
Le pilotage des coûts fixes repose sur deux étapes clés : définir un périmètre de répartition adapté et choisir une clé de répartition pertinente.
Ces choix stratégiques garantissent une ventilation juste et objective des coûts fixes, et permettent aux cabinets d’expertise comptable et ESN d’optimiser leur prise de décision.
En intégrant pleinement les coûts fixes dans leurs analyses, les entreprises renforcent leur capacité à piloter efficacement leurs missions et à atteindre leurs objectifs de rentabilité.