La gestion des chiffres dans une organisation soulève souvent des questions sur le degré de transparence à adopter.
Dans les organisations économiques, cette transparence peut varier du secret total à une communication complètement ouverte.
Cependant, la nature humaine incite souvent à la comparaison et à la maximisation des bénéfices personnels, ce qui peut rendre la question encore plus complexe.
Comment alors déterminer quelle information partager et à quel moment ?
Dans cet article, nous allons aborder deux aspects essentiels pour structurer la communication des chiffres dans votre cabinet : la nature des informations à partager et le degré de granularité de cette information en fonction des responsabilités des collaborateurs.
1. Quelle nature d’information partager ?
Le chiffre d’affaires et la marge : deux indicateurs clés
Dans les cabinets comptables, les deux principales informations à partager sont le chiffre d'affaires et la marge. Ces données permettent aux collaborateurs de comprendre les performances du cabinet, mais elles sont aussi sensibles car elles se rapportent souvent indirectement à la rémunération des équipes.
Partager ces informations sans précaution peut provoquer des comparaisons qui peuvent mener à des tensions ou à des demandes salariales non fondées.
Responsabilisation progressive des collaborateurs
Nous recommandons une approche de responsabilisation progressive pour sensibiliser les collaborateurs à ces informations, en fonction de leur rôle et de leur maturité dans l’entreprise.
- Collaborateurs juniors : Pour ceux qui débutent, l’accès à des informations de production non valorisée parait suffisant.
- Collaborateurs intermédiaires : Lorsqu’un collaborateur commence à encadrer une équipe ou à gérer des projets, il devient nécessaire de partager avec lui la valorisation de la production, c’est à dire le chiffre d’affaires généré.
- Managers : À ce stade, la transparence sur les marges devient primordiale.
Cela peut inclure le nombre d'heures travaillées ou de tâches accomplies (par exemple, un nombre de bulletins de salaire produits pour un pôle social). Ces collaborateurs n’ont a priori pas besoin de connaître en détail les prix de vente ou la marge brute.
Cela lui permet de se préparer à prendre en charge des missions commerciales ou de mieux comprendre la rentabilité de son travail.
Les managers jouent souvent un rôle commercial, il est donc crucial qu’ils soient informés des marges brutes et nettes, afin de les intégrer dans la gestion quotidienne des missions et des équipes.
2. Quel périmètre d’information partager ?
Une fois que la nature des informations à partager est établie, il est important de déterminer le périmètre de partage.
Faut-il partager les performances à l'échelle de toute l’organisation, d'un service spécifique, ou encore de manière individuelle ?
Deux principes peuvent vous aider à structurer cette communication.
Horizontal anonymisé : Comparaison des performances au sein d’un groupe
L'un des moyens les plus efficaces de partager des informations de performance est d’adopter un modèle anonymisé, particulièrement utile pour les collaborateurs juniors ou intermédiaires.
Il s'agit de comparer les résultats d'un collaborateur à ceux d'un groupe de pairs, sans révéler l’identité des autres membres du groupe.
Par exemple, un collaborateur junior pourrait se voir communiquer son volume d'heures facturables comparé à la moyenne des autres collaborateurs juniors du cabinet. De la même manière, un manager pourrait voir la rentabilité brute de son portefeuille par rapport à la moyenne du cabinet, sans connaître les résultats spécifiques de ses collègues.
Cette approche permet d’instaurer un esprit de saine comparaison et de maintenir la motivation des équipes, tout en préservant la confidentialité des données sensibles.
Vertical descendant nominatif : Partage d'informations à sens unique
Le partage de certaines informations doit suivre une logique hiérarchique, en adoptant un modèle de communication verticale descendante.
Cela signifie que les collaborateurs n’ont accès qu’aux performances des niveaux hiérarchiques inférieurs ou égaux au leur.
Par exemple :
- Un chef de mission pourrait avoir accès aux performances individuelles de ses collaborateurs juniors, mais pas à celles de ses pairs managers ou des associés.
- Un manager pourrait consulter la performance nominative des chefs de mission sous sa responsabilité, mais pas celle des associés.
Cette approche permet de limiter les comparaisons inutiles et de garantir une gestion sereine de l’information au sein du cabinet.
Se limiter à des périmètres comparables
Pour les plus grandes organisations, une question cruciale est de déterminer si les informations doivent être limitées à un périmètre fonctionnel ou géographique spécifique (comme un service ou un bureau), ou étendues à l’ensemble du cabinet.
Il est souvent plus pertinent de comparer des groupes homogènes.
Par exemple, comparer des collaborateurs d’un bureau situé en région parisienne avec ceux d’une région aux coûts de vie et aux prix de marché différents pourrait ne pas être judicieux.
De même, les services ayant des marges ou des modalités de production très différentes doivent être analysés séparément pour éviter des comparaisons biaisées.
3. Le juste équilibre entre transparence et gestion des attentes
Dans un cabinet d'expertise comptable, la transparence sur les chiffres est essentielle pour engager les collaborateurs dans un objectif commun, tout en veillant à gérer les attentes.
Partager trop d’informations peut créer des tensions, tandis que ne pas en partager suffisamment peut mener à un manque d’engagement et de compréhension des objectifs stratégiques.
Avantages de la transparence progressive :
- Renforcement de l’engagement : Les collaborateurs se sentent plus investis lorsque leurs performances sont reconnues et comparées de manière transparente et constructive.
- Meilleure gestion des ressources : En comprenant la rentabilité des missions, les managers peuvent mieux allouer les ressources humaines et matérielles.
- Culture de performance saine : La communication d’informations anonymisées et segmentées favorise une compétition saine et évite les conflits inutiles.
Conclusion
Le partage des chiffres dans un cabinet d'expertise comptable, comme dans toutes les organisations, est un équilibre délicat à trouver.
En adoptant une approche de responsabilisation progressive et en respectant les principes de comparaison anonymisée et de communication verticale descendante, vous pouvez garantir une transparence bénéfique pour l’organisation.
Cette méthode permet non seulement d'améliorer la rentabilité et le contrôle de gestion, mais aussi de favoriser un environnement de travail sain où les collaborateurs peuvent évoluer de manière éclairée et motivée.