Une saisie des temps incomplète, de même qu’une saisie insincère, produira des analyses erronées.
Pour vous prémunir contre cette menace, il vous faudra doser habilement le maniement de la carotte et du bâton, mais il vous faudra surtout faire preuve de pédagogie pour expliquer l’intérêt de la démarche.
On vous dit tout sur ce qui favorise le fonctionnement optimal de la saisie des temps.
Comment s’assurer de la complétude de la saisie des temps ?
Premier problème à adresser, celui de l’exhaustivité de la saisie.
Sur ce point, il n’existe pas de baguette magique : l’exercice est assez pénible, et donc un individu laissé complètement à lui-même aura tendance à s’en affranchir.
Il est donc nécessaire de faire preuve d’autorité et d’imposer cet usage.
Imposer l’universalité. Inspirer par l’exemplarité
La démarche sera d’autant mieux accueillie qu’elle concernera l’ensemble des métiers et des services de l’organisation.
Quand bien même la saisie peut-être d’une moindre utilité pour certains métiers ou pour certains services (le service interne par exemple), il est préférable de ne pas faire de distinction.
De même, imposez vous et imposez au management de se prêter aux mêmes règles que tous : l’exemplarité marche presque à tous les coups.
Simplifiez l’exercice avec des règles simples
Vos consignes seront d’autant plus suivies qu’elles seront simples.
Simplifiez la tâche de vos collaborateurs en édictant des règles claires :
- Une date limite (exemple: tous les temps de la semaine passée doivent être saisis pour le lundi midi de la semaine suivante). Cela permet d’introduire des routines. En pratique, nous recommandons que les temps d’une semaine soient saisis au plus tard pour le jeudi soir de cette même semaine, ce qui implique de saisir les temps du vendredi par anticipation.
- d’assurer le reporting des manquants le vendredi matin (cf. point suivant)
- de laisser le temps au retardataire de saisir le vendredi avant midi pour se laisser l’opportunité d’analyser la performance hebdomadaire le vendredi après midi.
- Une lisibilité des codes. Une trop grande profusion de code entrainera une crainte d’erreur et donc une tendance à repousser la saisie. En particulier, vous veillerez à :
- ne pas introduire trop de codes internes
- afficher à la vue de tous la signification des codes internes (quand charger sur “Formation”, sur “Archivage”, sur “Admin interne”,…)
Cela permet :
Assurer un suivi
Malgré tous les efforts d’incitation que vous mettrez en place, il s’avèrera sans doute nécessaire d’effectuer un tracking de l’exhaustivité de la saisie.
Vous établirez un ou deux reporting de la liste des individus n’ayant pas saisi leurs temps (dans notre exemple ci-dessous, vous pourrez en faire un premier le jeudi en fin de journée, et un second le vendredi midi).
Les personnes “manquantes” recevront par exemple un email automatique, et il est possible de signifier l’importance de l’exercice en mettant en copie de ces relances une ou plusieurs personnes du top management, selon le principe du Name and Shame.
Si toutes ces mesures ne sont toujours pas efficaces auprès des plus récalcitrants, vous pouvez également envisager de toucher au portefeuille, avec des conséquences de trop de manquements sur la rémunération variables des individus.
Comment s’assurer de la sincérité de la saisie des temps ?
La tentation d’orienter ses temps est assez naturelle. Elle provient de la volonté des agents de ne pas subir de conséquences, comme avoir à s’expliquer de la mauvaise rentabilité d’un projet par exemple.
Il existe à note avis deux axes pour adresser ce sujet.
Désamorcer les craintes
Vous devez expliquer à vos équipes qu’elles ne s’exposent pas en étant sincère quant à leur saisie, que vous êtes dans la même équipe, et que l’ a priori sera toujours que le temps passé sur un dossier était justifié, quand bien même cela positionne le projet en perte.
Il s’agit d’un élément de culture d’entreprise absolument primodiale.
Le principe des injonctions contradictoires
Pour que la saisie des temps soit équilibrée, c’est à dire pour que chaque heure saisie soit le reflet de la réalité, une méthode efficace consiste à donner des objectifs contradictoires aux différentes personnes d’une équipe projet :
- Au manager du projet, vous donnerez l’objectif de préserver la rentabilité du projet. Ainsi, ce dernier aura intérêt à ce qu’un minimum de temps soit passé sur son dossier. Il fera “la chasse” aux temps non justifiés.
- Aux collaborateurs, vous fixerez un objectif quantitatif (exemple : charger 40 heures par semaine) et un objectif qualitatif (exemple : que les temps soient à 80% des temps facturables). Ainsi, vos collaborateurs ne pourront pas minimiser leurs heures.
L’exercice de ces deux forces (une force de minimisation par le manager, une force de maximisation par le collaborateur) permet le dosage équilibré du temps sur les projets.
La pédagogie : votre meilleur atout
La saisie est objectivement pénible, mais elle l’est d’autant plus lorsqu’il n’est pas comprise, ou lorsque l’individu remet en question l’usage qui en est fait.
Votre meilleur atout reste de faire preuve d’une grande pédagogie, en expliquant pourquoi cette pratique est importante, et pourquoi c’est l’affaire de tous.
Quel usage ?
Expliquez.
Expliquez comment l’ensemble du contrôle de gestion de votre organisation repose sur la saisie des temps.
Expliquez que vous n’imposez pas cette pratique pour discriminer, mais pour :
- mesurer la création de valeur
- facturer le bon prix aux clients
- vous assurer de l’équilibre des charges de travail,
- …
Un seul être vous manque…
Expliquez également que pour garantir la fiabilité des analyses, vous devez atteindre une qualité de 100%, et que la négligence de quelques individus peut entrainer l’inutilité des efforts de tous les autres.
En pointant la responsabilité individuelle, vous maximiserez l’engagement vers la réussite collective.
Communiquez
La meilleure manière de prouver l’utilité de la saisie des temps est de communiquer régulièrement certaines analyses qui en sont issues.
Il n’est pas question ici de donner accès à l’ensemble des chiffres à l’ensemble des personnes, mais de présenter au trimestre, au semestre ou à l’année, quelques données. Selon la culture d’entreprise (entre transparence et secret), on pourra piocher dans les indicateurs au cœur de votre modèle d’activité (volumes, prix, chiffre d’affaires, marges,…).
Conclusion
En somme, assurer la complétude et la sincérité de la saisie des temps est une tâche complexe mais cruciale pour la gestion efficace d'une organisation.
Cela nécessite une combinaison de rigueur, de pédagogie et de suivi.
L'universalité de la démarche, la simplification des règles, et la mise en place de mécanismes de suivi sont autant de leviers pour garantir des saisies complètes et sincères.
En expliquant clairement l'importance de cette pratique et en démontrant concrètement ses bénéfices, les organisations peuvent s'assurer d'une adhésion plus large et d'une meilleure qualité des données collectées.
En s'efforçant d'améliorer constamment les pratiques de saisie des temps, les entreprises peuvent également explorer des solutions innovantes telles que l'automatisation et l'intelligence artificielle.
Ces technologies pourraient non seulement simplifier le processus mais aussi en augmenter la précision et la fiabilité.